Histoire du territoire

Avec l’arrivée des premiers métiers à filer mécaniques en 1805 par John Heywood débute l’ère industrielle qui va progressivement déplacer les flux de circulation dans la vallée laissant ainsi l’utilisation des chemins à la transhumance et l’exploitation forestière. Les industriels construisent de nouvelles routes dans les vallées, canalisent les rivières, financent leur propre ligne de chemin de fer et condamnent ainsi définitivement certains chemins.

1. Les temps anciens
  1.1 Préhistoire et Antiquité
Dès la fonte des glaciers, les Vosges sont devenues un lieu de passage et de refuge. De très nombreux sentiers sont alors empruntés par de petits groupes de chasseurs cueilleurs qui se déplacent au rythme des saisons ou suivant les aléas de l’histoire comme les guerres ou les invasions.

  1.2 Les Celtes et les Romains
Plusieurs voies anciennes se croisent au Donon, haut lieu de rencontre de plusieurs tribus celtes : Leuques, Mediomatriques et Triboques. Plus au sud, le chemin du sel ou des sauniers relie, par le col des Broques, Étival au mont Sainte-Odile par la vallée de la Bruche.
Avec la conquête de la Gaule, les Romains développent les grandes voies pavées qui relient les différentes régions de l’empire. La Pax Romana qui s’appuie sur un syncrétisme religieux (cavalier à l’Anguipède) et des alliances avec les tribus locales assure une stabilité de plusieurs siècles qui favorise le commerce et donc la circulation sur les voies et les chemins.

2. Le temps des abbayes 
À l’époque mérovingienne, de 640 à 660, les premiers moines arrivent sur le territoire pour évangéliser les populations païennes et fondent successivement les abbayes d’Etival Bodon), de Senones (Gondelbert), de Saint-Sauveur (Bodon), de Saint-Dié (Déodat) et finalement de Moyenmoutier (Hydulphe).
Ces établissements prospèrent rapidement par l’exploitation du bois (essentiellement chênes, hêtres et sapins noirs). La population locale se sédentarise autour de ces constructions puis au fur et à mesure du défrichement, s’éparpille en hameaux qui deviendront ensuite des villages. Les chemins sont utilisés pour le transport des marchandises et des personnes.

3. La Principauté de Salm
En 1111, les comtes de Salm, puissante famille originaire des Ardennes belges, deviennent les voués (protecteurs) de l’Abbaye de Senones. Commence alors plusieurs siècles de conflit entre l’Abbaye de Senones et les comtes de Salm pour le pouvoir économique et politique. Pour bien marquer leur emprise sur le territoire et surveiller l’exploitation des premières mines de fer ainsi que les premières forges qu’ils ont installées à Framont-Grandfontaine, les comtes construisent de 1205 à 1225 le château de Salm sur le versant nord du massif (aujourd’hui commune de La Broque). Le chemin qui relie ce château à l’abbaye de Senones est tout d’abord un chemin pédestre et cavalier, puis devient une voie médiévale après avoir été pavée pour permettre le passage de chars à bœufs (Radier de Barfontaine).
De 1751 à 1793, date de son rattachement à la France, la Principauté de Salm-Salm réalise des travaux de modernisation des chemins : ponts à piles de pierre, empierrement, adoucissement des pentes…

4. L’ère industrielle
Avec l’arrivée des premiers métiers à filer mécaniques en 1805 par John Heywood débute l’ère industrielle qui va progressivement déplacer les flux de circulation dans la vallée laissant ainsi l’utilisation des chemins à la transhumance et l’exploitation forestière. Les industriels construisent de nouvelles routes dans les vallées, canalisent les rivières, financent leur propre ligne de chemin de fer et condamnent ainsi définitivement certains chemins.

5.  1871
La défaite de 1871 bouscule la géographie en redessinant les frontières sur les lignes de crête. Les chemins anciens retrouvent un rôle important comme chemins de contrebande : des allumettes de l’Allemagne vers la France ou de la viande de la France vers l’Allemagne. Encore une fois, ils permettent aux familles que la frontière a séparées de se retrouver. C’est la naissance du tourisme dans les Vosges : le dimanche on vient quelquefois de très loin, à la recherche de ces points de vue (Haute Loge) permettant d’admirer et de pleurer les territoires perdus !

6.  1914-1918
La guerre de position fixe dès octobre 1914 le front sur une ligne de sommets : la Chapelotte, la Roche Mère Henry, La Fontenelle, le Spitzemberg, et place les 26 villages à l’est de cette ligne en zone occupée. Ces sommets âprement disputés par les différentes armées, permettent de contrôler les vallées qu’ils dominent. Les chemins forestiers de la zone occupée se doublent alors d’un vaste réseau de chemins de fer forestiers qui amènent la logistique allemande sur le front, repartent avec les blessés, le pillage des richesses locales (bois, textile, granit, machines…) et en août 1918, déportent vers l’Alsace puis la Belgique une population locale affamée souffrant de malnutrition.

7.  1939-1945
La défaite de 1940 annexe l’Alsace et encore une fois repositionne la frontière sur la ligne de crête. Les chemins reprennent alors toute leur importance pour exfiltrer vers la France de nombreux réfugiés : Alsaciens qui refusent le joug nazi, prisonniers de guerre qui ont réussi à s’évader, populations persécutées (Juifs, Tziganes, Communistes, Homosexuels). Grâce au courage d’hommes déterminés, risquant leur vie et celle de leur famille plus de 15 000 personnes ont pu ainsi « passer » clandestinement la frontière et retrouver la liberté.

De nos jours
C’est pour honorer ces héros de la résistance ordinaire que le Souvenir Français a choisi l’un de ces chemins pour devenir chemin de mémoire sous le nom de Sentier des Passeurs. Une stèle a été érigée sur le Sentier pour rappeler aux promeneurs cette période sombre de notre histoire et célébrer les Passeurs. En ces temps de paix retrouvée, les artistes d’Hélicoop ont investi le Sentier des Passeurs en créant en 2006 une première Biennale d’art-nature qui se poursuit encore aujourd’hui.
Le Sentier des Passeurs s’offre ainsi aux promeneur·euses comme un chemin chargé d’histoire, traversant des paysages divers, à la faune et la flore variées, sublimé par les œuvres d’art.

 

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